Soutenance de thèse

Le Vendredi, 29. novembre 2019 -
9:00 - 13:00
lieu

Madame Lena SOWADA

soutiendra vendredi 29 novembre 2019 à 9 h

à l’Université de Heidelberg (Allemagne)

une thèse de DOCTORAT, préparée en cotutelle avec l’Université Paul-Valéry Montpellier 3

Discipline : Sciences du langage

Titre de la thèse : Le français écrit des peu-lettrés dans des ego-documents de la région frontalière franco-allemande pendant la Première Guerre mondiale

Composition du jury :

  • Mme Sybille GROSSE, Professeure, Université de Heidelberg (Allemagne), codirectrice de thèse
  • M. Gilles SIOUFFI, Professeur, Université Paris-Sorbonne
  • M. Joachim STEFFEN, Professeur, Université d’Augsbourg (Allemagne)
  • Mme Agnès STEUCKARDT, Professeure, Université Paul-Valéry Montpellier 3, directrice de thèse
  • M. André THIBAULT, Professeur, Université Paris-Sorbonne

Résumé de la thèse

Cette étude se centre sur les différentes manifestations de l’usage linguistique des gens ordinaires dans une perspective historique. La Première Guerre mondiale a profondément bouleversé la vie des Français et incite même les personnes qui n’avaient pas beaucoup de contact avec la culture écrite dans leur quotidien d’avant-guerre à écrire. Pour la recherche linguistique, ces témoignages sont extrêmement précieux car ils représentent des traces écrites des personnes qui n’en ont généralement laissé que très peu.
Le but de ce travail est d’étudier l’expression écrite des personnes qui n’ont pas l’habitude de communiquer par écrit et qui ne sont pas familières avec la rédaction de textes. Par la présente étude, nous cherchons à contribuer à l’historiographie du français en la complétant sous différents aspects. D’abord, les textes s’inscrivent dans un contexte informel et mettent ainsi en évidence d’autres registres en complément du standard. La prise en compte des textes produits par des scripteurs d’une origine sociale diverse élargit le focus diastratique des historiographies traditionnelles. Étant donné la provenance géographique des scripteurs, avec un focus sur les régions frontalières franco-allemandes, ces documents contribuent à développer la perspective diatopique.
L’analyse linguistique au niveau de l’orthographe, lexical, morphosyntaxique et discursif montre des compétences scripturales très hétérogènes mais qui, en aucun cas, empêchent une communication réussie. L’approche quantitative met en évidence les domaines de l’orthographe particulièrement sensibles à la variation. La variation s’explique en général par l’omission d’une analyse des relations morphologiques, lexicales ou syntaxiques d’un élément donné. Quand les scripteurs ne peuvent pas directement accéder à la graphie d’un lexème, ils ont recours à différentes stratégies compensatoires. Le lexique utilisé par les scripteurs correspond essentiellement à une communication proche de l’immédiat communicatif et s’inspire des registres du français populaire, du français familier, des variétés régionales et de l’argot des tranchées. Le niveau morphosyntaxique manifeste deux tendances opposées : une grande partie des particularités repérées se rapproche de la langue de l’immédiat communicatif, mais le corpus montre aussi des caractéristiques de la langue de distance. La syntaxe des ego-documents est particulièrement imprégnée par une prévalence des motivations sémantiques par rapport aux relations syntaxiques. L’organisation du discours expose d’une part des modes de production spécifiques de la langue parlée et adopte d’autre part une perspective pragmatique qui se réfère aux instances de la communication.
Les ego-documents illustrent le contact linguistique d’une époque passée à l’écrit et mettent en scène la manière dont les scripteurs se servent de leurs deux langues pour atteindre leurs objectifs communicatifs. Les manifestations du contact linguistique traditionnellement étudiées dans la langue orale, se présentent également dans ce corpus d’ego-documents écrits. Dans le choix des écritures, les scripteurs suivent généralement les conventions stylistiques de l’époque mais attribuent également une fonction sémiotique à l’écriture.
Les scripteurs montrent qu’ils sont familiers avec les traditions discursives concernant la lettre et sa structure textuelle. Le corpus met en évidence que les scripteurs ont à leur disposition une variété de formules différentes pour identifier leurs textes en tant que lettres, pour structurer les différentes parties de la lettre, pour entamer leur rédaction, pour assurer le changement thématique et pour conclure la lettre tout en maintenant leur place dans le réseau social d’avant-guerre.
L’intérêt prononcé de la linguistique pour les différentes manifestations hétérogènes de l’expression orale invite à percevoir et étudier aussi l’écrit comme un ensemble d’expressions variées avec des fonctions communicatives spécifiques.

Dernière mise à jour : 10/07/2020